Les pièges de la VEFA
ACHAT EN VEFA: LES REÇUS DE RÉSERVATION NE VOUS PROTÈGENT PAS
Un document sans aucune valeur juridique
Première erreur aux conséquences irrémédiables
La majorité des promoteurs dans l’illégalité
TOUT commence par une affiche publicitaire ; une jolie villa avec piscine, un jardin ensoleillé, un couple heureux sur la photo… L’effet est presque immédiat auprès de la cible. Emporté par l’enthousiasme de s’offrir la villa de ses rêves, l’acquéreur cède à la tentation et signe un « contrat de réservation » en 2007. Le prix de la villa est de 7,7 millions de DH dont près de 3,3 millions réglés dès la signature de la réservation. La livraison devait intervenir au plus tard fin 2009, stipulait le document. Sauf que l’acheteur, comme la plupart des acquéreurs dans le cadre de la vente en état futur d’achèvement (Vefa), ne savait pas que son contrat était sans aucune valeur juridique au regard de la loi. Une erreur qu’il regrettera pendant longtemps, vu qu’à la date d’aujourd’hui sa villa n’est toujours pas livrée.
Le contrat de réservation ne confère aucune protection juridique insistent les experts. La loi 44.00 sur la Vefa indique dans son article 618-3 que « La vente d’immeuble en l’état futur d’achèvement fait l’objet d’un contrat préliminaire qui devant conclu, sous peine de nullité». Le contrat préliminaire étant un acte authentique rédigé par un notaire et exigeant un certain nombre de conditions et de pièces garantissant les droits des parties. Toute somme d’argent avancée en dehors de ce cadre est donc non protégée par la loi. Le contrat de réservation signé ne comprenait aucune des garanties que peut apporter le contrat préliminaire de vente. « Malheureusement, la majorité des promoteurs travaillent uniquement avec les bons de réservation, car forcément, ces documents sont moins contraignants pour eux », témoigne Younes Anibar, avocat au barreau de Casablanca. Il faut dire que les clients également cherchent rarement à se protèger en allant plus loin que la réservation.
Les 3 années sont passées, nous sommes en 2009 et l’acquéreur n’a pas encore été contacté par le promoteur en vue de se faire livrer. Il décide d’attendre jusqu’au premier trimestre 2010, mais rien n’évolue. Au 2e trimestre, il envoie un écrit, rappelant au promoteur que le délai a été largement dépassé. Pendant des mois, aucune réponse. 2010 est bouclée, pas de livraison, ni d’explications concernant le retard. La frustration ne cessait de grandir et en 2011, l’acquéreur décida de faire appel aux services d’un avocat pour déclencher une action en Justice.
L’avocat adresse d’abord une mise en demeure au promoteur précisant que la livraison est largement hors délai, que le contrat signé est nul au regard des dispositions de la loi 44.00 et que son client ne devait verser aucune somme d’argent. La loi sur la Vefa est claire sur ce point: « sauf stipulation contraire des parties, l’acquéreur est tenu de payer une partie du prix selon l’avancement des travaux: l’achèvement des travaux relatifs aux fondations de la construction au niveau du rez-de-chaussée, celui des gros œuvres de l’ensemble de l’immeuble et celui des travaux de finition». Aucune de ces conditions n’étant remplie au moment du paiement, celui-ci est manifestement hors la loi.
L’avocat a également demandé de fixer la date de la signature du contrat préliminaire tel que stipulé par la loi et de prévoir une somme au titre de dommages et intérêts pour retard de livraison. L’article 618-12 prévoit ce cas de figure sous conditions : «En cas de retard dans la réalisation des travaux de construction dans les délais impartis, le vendeur est passible d’une indemnité de 1% par mois de la somme due, sans toutefois dépasser 10 % par an».
Le promoteur restera muet, l’avocat commandite alors un huissier de Justice pour dresser un état des lieux des travaux. L’huissier étant interdit d’accès au site «sur instructions de la direction », le client se rabat sur l’expertise du tribunal. Un expert se déplace pour constater si la villa correspondait ou pas à la description et aux attentes de l’acquéreur. Même muni de sa décision judiciaire, celui-ci a été empêché d’accéder au site. « Vous constaterez l’ampleur et la mesure de l’abus. Si ce promoteur est capable de battre en brèche une décision de Justice, aura-t-il un quelconque respect pour les droits de ses clients », regrette Anibar. Il a donc fallu mandater la gendarmerie pour que l’expert puisse accéder au site et établir son rapport.
A ce stade, nous sommes fin 2011, et le rapport fait ressortir que la villa n’était pas encore prête. Les travaux n’étaient pas encore achevés, et le délai prévu par le contrat largement dépassé.
Seule alternative : Une procédure de perfectionnement de la vente comme précisé par la loi. Un recours permettant de demander à ce que le contrat soit établi, garantissant tous ses droits à l’acquéreur et que le jugement soit rendu face aux vices du contrat de vente.
Aucune garantie
LE contrat de réservation n’accorde aucune des garanties stipulées par la loi 44.00 sur la Vefa. Aucune mention sur le titre de propriété de l’immeuble immatriculé, ou les références de la propriété de l’immeuble non immatriculé. Rien non plus sur les droits réels et les servitudes foncières et toutes autres servitudes lié à la propriété, pas de description de l’immeuble ni de références de la caution bancaire ou toute autre caution ou assurance. Pas de copies conformes des plans d’architecture non plus ni de certificat délivré par l’ingénieur spécialisé attestant l’achèvement des fondations de la construction au niveau du rez-de-chaussée. « La seule chose qu’il garantit, c’est un droit de créance attestant que le promoteur a reçu une somme d’argent de la part de l’acquéreur pour la réalisation d’un immeuble », ajoute Mohamed Alami, notaire. Autre mention importante faisant défaut au reçu de réservation : la caution bancaire. Ce document est le seul garantissant à l’acquéreur une récupération de son argent si le promoteur contrevient à ses obligations.
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Leconomiste / Ayoub NAÏM 4 mai 2012
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